Les étudiant.e.s de l’Université de Boğaziçi révoltent contre les interventions anti-démocratiques du régime Erdoğan depuis le début de l’année. Alors que les étudiant.e.s veulent exercer leur droit constitutionnel de manifester, ils continuent d’être confrontés à la brutalité policière. Un entretien avec un étudiant dont ses camarades ont été placés en garde à vue.
Qu’est-ce qui se passe à l’Université de Boğaziçi ?
Etudiant : « La ‘Résistance de Boğaziçi’ est un mouvement qui a commencé il y a 9 mois avec la nomination de Melih Bulu comme recteur fiduciaire par décision présidentielle, puis a entraîné la démission de Melih Bulu et est née en réaction à la tutelle de Naci İnci. C’est un mouvement qui défend et protège l’autonomie de l’Université de Boğaziçi, l’une des universités les plus prestigieuses de Turquie, puis toutes autres universités, les droits de l’homme à l’intérieur et à l’extérieur de la fac, la liberté de pensée, les droits LGBTI+ et l’éducation qualifiée qui est notre droit primordial. »
Portes menottées de l’Université de Boğaziçi, 4 Janvier 2021.
Rencontrez-vous des difficultés à entrer sur le campus ?
Etudiant : « Même s’il n’y a pas d’interruption aux entrées du campus officiellement ; la présence permanente de Çevik Kuvvet (les compagnies d’intervention turque) et des TOMA (Véhicule d’Intervention face aux Emeutes Publiques), des policiers en civil parfois à l’intérieur de la fac, le blocage d’entrer et de quitter le campus pendant les jours de manifestation, la pression de l’unité de sécurité privée engagée par le recteur, le blocus de nos amis au milieu du campus comme nous l’avons vu hier et leur détention un par un, puis les traumatismes psychologiques vécus par le reste des étudiant.e.s aussi graves que ceux qui sont en garde à vue… Ce ne sont absolument pas compréhensible ou acceptable. »
Que veulent les étudiants et les universitaires de Boğaziçi ?
Etudiant : « Ce que la communauté de Boğaziçi veut ; c’est l’environnement éducatif libre et indépendant qui n’est pas interrompu, c’est que les recteurs fiduciaires quittent par une décision présidentielle avec lesquelles ils sont venus et que l’université choisisse son propre recteur. Nous voulons que nos amis qui ont été arrêtés pendant les manifestations soient libérés, que les associations et organisations qui ont été bloqués à cause des administrateurs soient rendus aux étudiant.e.s, en particulier l’association de LGBTI+. Nous voulons que la police ne reste plus dans notre université, même à la porte d’entrée. Nous ne voulons pas le non-sens de l’enseignement en ligne que les étudiant.e.s préparatoires vivent à cause de l’administration actuelle. Ce qu’on veut, c’est l’utilisation correcte des ressources de l’université ; c’est que nos professeurs qui sont interdits d’entrer à la fac, dont les cours sont annulés et qui n’ont plus le droit de parler, reçoivent le respect qu’ils méritent. Nous voulons le retrait du gouvernement actuel et son régime fasciste et oppresseur, la résolution des problemes de logement de nos amis, et la création d’une université autonome. »
Manifestations à Kadıköy, 2 Février 2021.
Le président Erdogan vous a traité de terroriste. Quels sont vos commentaires sur ce sujet ?
Etudiant : « À ce stade, je ne pense pas que le président Erdoğan, les politiciens pro-erdoğan et les médias pro-erdoğan puissent imaginer à quel point ils sont tombés bas et triste en attribuant ces adjectifs et d’autres similaires aux étudiants les plus précieux de l’université la plus précieuse du pays. Il est inacceptable de ne pas essayer de comprendre et de marginaliser les membres d’une université qui a élevé les personnes les plus précieuses du pays depuis sa fondation, où chaque mère fait de son mieux pour envoyer son enfant. Essayer de retourner nos policiers, procureurs et juges autour de qui nous devons nous sentir en sécurité contre nous, de les faires confronter avec les étudiant.e.s, de les faires taire est une phénomène que chacun devrait juger sur sa conscience. Je pense que c’est l’une des plus grandes responsabilités de l’État pour la Turquie de ne pas perdre de telles valeurs mais de les protéger. »
L’entretien est préparé de la manière anonyme car une opposition au régime Erdoğan peut se terminer par une peine de prison. Depuis le début des manifestations, des dizaines d’étudiant.e.s ont été arrêtés. Deux étudiants, Berke et Perit, sont toujours en détention.
Qu’est-ce qui s’est passé au début des manifestations ?
Le gouverneur d’Istanbul, Ali Yerlikaya, et des gouverneurs des districts ont interdit les manifestations dans les quartiers de Beşiktaş et Sarıyer sous le prétexte de COVID-19. Les manifestations devaient alors avoir lieu à Kadıköy en raison de cette décision. Cependant, les étudiant.e.s n’étaient pas accepté aux ferrys, ils ont été descendus des bus par la police. Un officier de police a ordonné les détenus agressivement de ne pas soutenir le regard. En réponse, le mouvement étudiant a pris position contre les tortures psychologiques et physiques auxquelles ils ont été soumis, avec le slogan « Nous n’allons pas baisser les yeux ».
Les universitaires protestant contre les arrestations, écrit sur la bannière « Nous ne baissons pas les yeux, nous n’acceptons pas, nous n’abandonnons pas. », 3 Février 2021.
Les équipes des Forces Spéciales d’Interventions de la police (PÖH) faisant une descente dans les maisons où vivent les étudiants “terroristes”, selon le président du pays, afin d’empêcher la manifestation, 6 Janvier 2021.
Préparé par Gökalp PAYANDA